Portraits •
Le principe développé par la start-up HELLIOGREEN est un parfait exemple d’alchimie entre volonté entrepreneuriale, valorisation d’un savoir-faire et ancrage territorial. Pour Delphine Bihin, directrice générale, ce projet de vis d’Archimède s’inscrit, à la fois dans un patrimoine et dans les enjeux écologiques contemporains. Une solution durable et qui, dans le futur, va traverser les frontières.
Si la start-up HELLIOGREEN est née en mars 2018, il faut en réalité remonter à début 2010 pour trouver les prémices du projet. À l’époque, Renaud Mignolet, actuel président de la société et co-concepteur de la vis avec Daniel Maquin, était en lien avec la Direction départementale des Territoires (DTT) en charge notamment de la gestion de l’eau. « Les dirigeants d’alors disaient que ce serait bien que les industriels trouvent un système permettant de préserver la continuité écologique sur les cours d’eau, tout en produisant de l’énergie renouvelable», confie Delphine Bihin. De là l’idée de développer une mini turbine en fonte, basée sur le principe d’une vis sans fin; «une sorte de grosse vis, comme un toboggan à poissons, le tout aussi robuste qu’un cheval ardennais », plaisante Delphine. Facile à mettre en place et nécessitant peu de génie civil, la turbine est installée directement sur le cours d’eau. Ichtyophile et respectueuse de l’environnement, cette turbine hydroélectrique produit donc une énergie propre et durable. «Nous avions réussi à trouver un terrain d’entente entre les producteurs d’électricité et l’écologie», résume Delphine, d’anciens mouliniers ou propriétaires de terrains avec chutes d’eau s’avérant intéressés par le concept. « Ils essayaient de trouver des technologies rentables pour pouvoir auto-consommer ou revendre l’énergie issue des chutes d’eau et ne trouvaient rien car ces technologies demandaient énormément de génie civil et/ou un engagement financier conséquent. »
UNE EXPERTISE LOCALE
La demande était là, l’idée également, il ne manquait donc que le savoir-faire! Là encore, le contexte a aidé le projet HELLIOGREEN. «Dans les années 2010, dans les Ardennes, on voyait énormément d’éoliennes ou de panneaux photovoltaïques déployés.
Les industriels locaux se disaient que c’était tout de même dommage de ne pas produire quelque chose issu du savoir-faire local, de la fonderie, de la mécanique… Ils voulaient arrêter d’importer et participer eux-mêmes à la transition écologique. »
HELLIOGREEN décide donc d’utiliser cette expertise locale, à portée de main; une industrie de fonderie, capable de produire en série une vis d’Archimède. Une association est créée en 2012, puis, en 2016, le brevet est déposé. La start-up collabore aujourd’hui avec plusieurs fondeurs et dans une démarche 100 % renouvelable. Alors que les éoliennes ou les panneaux photovoltaïques posent de sérieux problèmes de recyclage en fin de vie, toute la chaîne de conception des vis HELLIOGREEN est, elle, vertueuse. « L’avantage de nos modules en fonte, c’est que la fonderie peut les produire à partir d’anciennes pièces fondues. On réchauffe la pièce, le métal entre en fusion et on le réutilise dans le processus de coulée avec de nouveaux moules. » explique Delphine. Un système vertueux qui a d’ailleurs poussé les fondeurs à investir dans une machine à prototypage 3D, leur permettant ainsi d’inventer de nouveaux moules et de fondre toutes les pièces nécessaires sur place. «Notre but chez HELLIOGREEN, c’est de standardiser au maximum le produit, donc de standardiser les bouts de modules, les châssis, les socles, les transmissions… tout ce que l’on peut, à 70 %. Il ne faut pas avoir besoin de tout reconcevoir à chaque fois. Les 30 % restants, en revanche, c’est de l’adaptation. » À la conception s’ajoutent donc également des solutions de réparation, là encore, toujours dans un souci de recyclage : « si vous avez une pièce cassée, on la scanne, on produit un moule et on vous la recoule. » Aussi simple que ça.
HELLIOGREEN DANS LE MONDE
Portée par plusieurs industriels de la région, HELLIOGREEN «n’est pas une start-up classique» d’après Delphine. L’incubateur RIMBAUD’TECH a su soutenir le projet dans toute la phase de structuration de l’idée, «nous avons pu bénéficier de points d’alerte et de retours aussi bien sur nos réflexions que sur nos différentes analyses de marché ainsi que d’une aide pour lever des fonds. » La start-up veut aujourd’hui s’industrialiser et étendre son équipe, «nous recherchons notamment des dessinateurs qui ont une dimension de terrain et un esprit pratique, des gens qui savent bricoler et s’adapter à la situation. » Prochaine étape : l’export, avec comme premier marché l’Europe, même si pour le moment HELLIOGREEN fignole encore son produit, «nous sommes dans l’étape où l’on sécurise notre technologie, où l’on optimise l’installation, où l’on vérifie les rendements… nous ne vendons donc pour le moment qu’en France, le temps de maîtriser parfaitement notre système», confie la directrice. Viendront peut-être ensuite l’Afrique et l’Asie. En attendant, la start-up peut déjà s’enorgueillir du label de la fondation Solar Impulse, cette dernière considérant HELLIOGREEN comme l’un des 1000 projets écologiques à suivre dans le monde.
AVIS RÉFÉRENT, JÉRÉMIE PAWELCZYK, RIMBAUD’TECH, CHARLEVILLE-MÉZIÈRES :
« HELLIOGREEN, c’est l’expression même de l’expertise de notre territoire ; des industriels associés à une plateforme technologique. C’est un bel exemple de complémentarité ! Renaud Mignolet, le fondateur de HELLIOGREEN, est quelqu’un de très implanté au niveau local et qui a une maîtrise totale des enjeux écologiques. HELLIOGREEN revêt un aspect environnemental fondamental, la turbine permet de créer de l’énergie à partir des courants d’eau, avec des matériaux recyclés, sans gros œuvre pour l’installer, et en respectant la faune. L’impact environnemental est totalement sécurisé »