Portraits •
La start-up strasbourgeoise BLACKLEAF s’apprête à révolutionner le monde de l’industrie et de la santé. Avec la découverte d’une formule permettant de produire du graphène – le matériau le plus conducteur au monde – de bonne qualité, en quantité et sans un coût prohibitif, les chercheurs sont en phase de levée de fonds pour développer leur activité.
« Aujourd’hui il nous faut des ressources pour créer plus de demandes et déployer une unité de production. »
La synthèse du graphène en 2004 a valu un prix Nobel au physicien André Geim en 2010. En 2017, alors chercheurs au CNRS, Cuong Pham-Huu et Housseinou Ba font part à leur ami Yannick Lafue de leur dernière découverte. « Cuong m’a expliqué qu’ils avaient trouvé un truc super pour produire du graphène et le poser sur n’importe quelle surface » raconte Yannick Lafue. « Il me dit alors “Tu crois pas que c’est l’occasion de réaliser la technologie et de monter une boîte ?” Nous avons alors décidé de créer BLACKLEAF. » Un parcours du combattant de deux ans, « parce que comme la technologie est partie de travaux au CNRS, il a fallu passer par les structures qui encadrent la valorisation de la recherche, précise le CEO de BLACKLEAF. La SATT (Société d’ac- célération du transfert de technologies) nous a permis de lever quelques verrous, ce qui nous a confortés dans l’idée de créer cette société en octobre 2018. Mais nous venons seulement de finaliser les discussions avec le CNRS car c’est nous qui exploitons la technologie en exclusivité. »
« LE CHAMP DES POSSIBLES EST INCROYABLE ! »
L’activité de BLACKLEAF démarre vraiment en 2019 grâce à leur « recette Coca-Cola » qui leur a permis de relever les trois défis de la production du graphène : en fabriquer de bonne qualité, en quantité attendue par l’industrie, sans un coût prohibitif. « Nous répondons à ces trois challenges grâce à notre recette que nous n’avons pas brevetée, car l’essence même d’un brevet c’est de décrire comment on le réalise. Or nous voulons être les seuls à même de la fabriquer ! »
Les chercheurs ont également déposé des brevets permettant de fabriquer des revêtements graphène sur l’ensemble des substrats et matériaux, permettant d’utiliser de nouvelles solutions industrielles. « L’utilisation du graphène est infinie, précise Yannick Lafue. On peut l’utiliser en tant que revêtement pour chauffer la surface, comme conducteur électrique, pour la filtration virucide du masque, pour améliorer les performances anticorrosion, pour le développement des éoliennes et des pipelines, pour les implants dentaires, cérébraux. L’avenir du graphène c’est aussi la question du stockage et de la génération d’énergie des batteries. »
L’incubation chez SEMIA leur a permis de monter une société solide. « SEMIA, c’est un guide dans les différentes étapes de la vie d’une start-up » reconnaît volontiers le CEO. Ils nous ont montré comment prioriser nos choix par exemple. Nous sommes qualifiés de « Deep tech », c’est-à-dire que la technologie sort du labo et on la tire vers le marché. Ce sur quoi SEMIA est bien placé… Par exemple, c’est l’incubateur qui nous a encouragés à approcher les secteurs de santé. Nous n’y avions même pas pensé. » Actuellement en phase de levée de fonds, BLACKLEAF compte pouvoir embaucher en 2021 trois, voire quatre personnes. « Aujourd’hui il nous faut des ressources pour créer plus de demandes et déployer une unité de production. Nous avons prévu de prendre notre envol dans un parc d’innovation dans les 18 mois », précise Yannick Lafue qui a déjà réussi à convaincre des géants de l’industrie pétrolière et de l’aéronautique à utiliser leur fameuse recette Coca-Cola !